Les directeurs d’école ont reçu le 23 octobre, pendant les congés, un message du ministère relatif à la « lutte contre le harcèlement ». Ils apprennent notamment que «tous les élèves des écoles à compter du CE2, des collèges et des lycées se verront proposer de remplir une grille d’auto-évaluation non nominative visant à évaluer s’ils sont susceptibles d’être victimes de harcèlement scolaire. Deux heures du temps scolaire seront banalisées à cette fin, entre le jeudi 9 novembre et le mercredi 15 novembre. »
Ainsi, dans le 1er degré, tous les enseignants ayant en charge une classe du CE2 au CM2 sont sommés de consacrer deux heures à la mise en place de cette grille d’auto-évaluation : pas moins de 33 questions visant à savoir si les élèves ont déjà eu peur à l’école, ont été mis à l’écart à la récréation, sont empêchés de déjeuner tranquillement, se sont déjà bagarrés, s’ils ont mal au ventre ou à la tête, s’ils se sont déjà mis en colère, s’ils connaissent le numéro de téléphone contre le harcèlement…
Les enseignants désormais comptables de « la lutte contre le harcèlement »…
On peut lire dans le guide de passation de la grille d’autoévaluation sur le harcèlement scolaire :
« Le professeur en charge de la classe ou le professeur principal examine les questionnaires des élèves de sa classe et procède aux décomptes des réponses pour chaque questionnaire (nombre de réponses 1, 2, 3 ou 4). Il procède à une première analyse, qu’il partage ensuite avec le directeur de l’école ou le chef d’établissement. »
« Quel que soit le niveau retenu (classe, niveau d’enseignement, école, collège ou lycée), l’exploitation des réponses des élèves permet d’évaluer et d’objectiver l’existence d’un phénomène de harcèlement afin de permettre une prise de conscience et une mobilisation collective. »
« Selon des modalités à l’initiative de chaque établissement et école (ateliers des parents, réunion par classe ou par niveau, etc.), une restitution à l’attention des élèves et de leurs parents d’élèves est organisée. »
Les personnels, dont les conditions de travail s’aggravent d’année en année, seraient donc désormais comptables, après analyse des grilles, de repérer les situations de harcèlement, d’informer les parents d’élèves et de déterminer des procédures de prévention, détection et traitement de faits de harcèlement.
… sous la responsabilité du directeur d’école !
Un projet de décret (contre lequel FO a voté), qui vise à mettre en œuvre chaque année le passage de ces grilles d’auto-évaluation, stipule dans son article 1 : « Renseignées en classe par les élèves sous l’autorité d’un enseignant, ces grilles sont examinées par un professeur, sous la responsabilité du directeur d’école. »
Le directeur serait désormais « responsable » de l’examen de ces grilles d’auto-évaluation… et donc de l’identification de situations de « harcèlement » au sein de l’école !
Ce même projet de décret indique d’ailleurs dans son article 5 : « Peuvent accéder aux réponses à la grille d’auto-évaluation : Dans le premier degré, l’inspecteur de l’éducation nationale de la circonscription, le directeur d’école, l’enseignant chargé de la classe de l’élève, l’équipe ressource harcèlement et les personnes spécialement désignées à cet effet par le directeur d’école » :
Le directeur se verrait donc également chargé de « désigner » des « personnes » susceptibles d’accéder aux grilles d’auto-évaluation !
De la même manière, selon ce projet de décret, en référence à l’article L543-1 du code de l’éducation, le directeur devrait, sur la base du traitement des réponses aux questionnaires, élaborer « des lignes directrices et des procédures du projet d’école destinées à la prévention, à la détection et au traitement des faits constitutifs de harcèlement scolaire », auxquelles il devrait associer « la communauté éducative », « les personnels médicaux, les infirmiers, les assistants de service social et les psychologues de l’éducation nationale intervenant au sein de l’école ».
Le ministre entend désormais rendre le dispositif « Phare » obligatoire !
N’est-ce pas à mettre en lien avec le message du ministère aux écoles, qui précise que le programme « Phare », programme de lutte contre le harcèlement à l’école, serait désormais obligatoire, avec notamment la mise en place partout, d’« ambassadeurs » contre le harcèlement et d’équipes spécialement formées à la gestion de ces situations ?
Les pressions pour trouver des volontaires pour être référents « Phare » vont donc se multiplier !
Les personnels en ont assez des tâches supplémentaires qu’on leur impose, des missions qui ne relèvent ni de leurs obligations de service ni de leur statut, de la remise en cause de leur liberté pédagogique !
Les directeurs ne veulent pas des responsabilités supplémentaires dont le ministère les accable en application de la délégation de compétences de l’autorité académique prévue par la loi Rilhac !
Le SNUDI-FO exige l’annulation immédiate des suppressions de postes prévues à la rentrée
Les personnels veulent enseigner, et dans les meilleures conditions possibles, pour eux et pour leurs élèves !
Pour cela, la première mesure à prendre serait de créer les postes d’enseignants, de PsyEN, de médecins scolaires et d’AESH nécessaires, de rétablir tous les postes d’enseignants spécialisés supprimés depuis des années par tous les gouvernements successifs, de créer les milliers de places nécessaires dans les établissements sociaux et médico-sociaux pour les élèves bénéficiant d’une notification pour y être scolarisés !
C’est tout le contraire que prépare le ministre Attal : après les 2 000 postes d’enseignants supprimés à la rentrée 2023 (dont 1 119 dans le 1er degré), il prépare 2 500 nouvelles suppressions de postes pour la rentrée 2024 dont 1 331 dans le 1er degré ! Avec l’acte 2 de l’Ecole inclusive il entend liquider la totalité des établissements spécialisés, pourtant en nombre déjà bien insuffisants !
Le SNUDI-FO revendique :
• Le respect de la liberté pédagogique des enseignants !
• L’abandon de tous les dispositifs qui engagent la responsabilité des personnels et notamment le programme Phare !
• L’abrogation de la loi Rilhac !
• L’annulation des suppressions de postes et la création de tous les postes nécessaires !
• L’abandon de l’acte 2 de l’Ecole inclusive !
Le SNUDI-FO appelle les personnels à se réunir dans les écoles dès la rentrée pour rejeter les mesures gouvernementales et réaffirmer toutes leurs revendications.
Il rappelle que la FNEC FP-FO s’est adressée aux autres organisations syndicales pour refuser en commun le dispositif que le ministre Attal tente d’imposer et donner une consigne syndicale aux personnels.