Système universel par points = une retraite vers l’inconnue

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Pour FO Fonction publique, le projet de loi créant un système universel par points serait un recul sans précédent s’il devait être mis en place. C’est pourquoi, en préambule à notre contribution sur ce texte, nous rappelons sans ambiguïté notre opposition à ce projet de Loi.

A propos des régimes particuliers de fonctionnaires et agents de la Fonction publique (Code des pensions civiles et militaires, CNRACL, FSPOEIE et IRCANTEC), nous commencerons par préciser que le changement profond qu’induirait le système universel par points serait la fin de la promesse.

Promesse permise aujourd’hui par un système à prestations définies qui permet à tout un chacun de connaitre le futur montant de sa retraite ou pension.

Pour la Fonction publique, le calcul s’établit sur l’indice détenu lors des 6 derniers mois de la carrière ce qui permet de connaitre assez précisément quel sera le montant de la pension. En renvoyant ce calcul sur les 43 années de la carrière et en ne pouvant pas garantir la valeur d’acquisition et de service du point dans le temps, les gouvernements ne pourront plus tenir la promesse d’une retraite décente sur la base d’un taux de remplacement connu au moins égal à 75% du traitement indiciaire.

On passerait donc de prestations définies à cotisations définies, avec l’argument qu’un euro cotisé donnerait les mêmes droits.

Cette absence de promesse est une des raisons qui avait amené Jean-Paul Delevoye à proposer une mise en œuvre décalée pour certaines générations. Ces derniers mois, suite à la mobilisation des organisations syndicales, de nouvelles dates sont venues modifier les propositions initiales et notamment l’application de cette réforme aux générations nées à compter du 1er janvier 1975, ou dans certains cas, nées à compter du 1er janvier 1985.

Les articles concernant plus particulièrement les agents publics se concentrent sur les articles 6,15, 17, 18, 27, 31, 33, 36, 38, 53, 64 et 65. La majorité de ces articles tend à occulter le débat parlementaire en renvoyant le pouvoir de légiférer à des habilitations données aux Gouvernement ou à des ordonnances.

Pour FO Fonction publique, il est inadmissible que le Parlement ne puisse pas être consulté sur le fond des sujets concernant les fonctionnaires alors qu’il a la responsabilité de voter annuellement le projet de Loi de Finances qui impacte les rémunérations des agents publics, les prestations sociales et les effectifs.

Etonnant paradoxe d’accepter d’être privé d’un débat dont la corrélation entre la rémunération et la pension est avérée.

4 grands sujets posent question pour les fonctionnaires et agents publics :

  1. L’assiette de cotisations,
  2. La phase de transition,
  3. La gouvernance des régimes de fonctionnaires,
  4. La catégorie active.

1 – L’assiette de cotisations

Le projet de Loi indique vouloir intégrer les primes dans l’assiette de cotisations concernant la retraite. L’article 17 précise qu’un décret indiquera le niveau d’intégration des primes.

Pour FO Fonction publique, on ne peut pas dissocier ce dossier de la politique salariale menée depuis 30 ans dans la Fonction publique et plus particulièrement ces 10 dernières années. Le Gel de la valeur du point d’indice depuis 2010 est devenu l’outil principal des Gouvernements successifs pour baisser la dépense publique, en plus des suppressions de postes.

Cette absence de mesures générales a entrainé une individualisation de plus en plus forte des rémunérations accessoires et une disparité accrue. Des agents de ministères différents mais de même catégorie statutaire et exerçant des missions identiques ont des primes différentes. Si on compare les versants de la Fonction publique (Etat, Territorial et Hospitalier) les disparités sont encore plus marquées à catégories hiérarchiques égales. Sans compter, de nombreuses petites collectivités qui n’ont pas inscrit la mise en place de régime indemnitaire.

FO Fonction publique ne peut accepter que ces disparités dans la vie active se poursuivent à la retraite avec une intégration des primes « à la tête du client ».

Il est donc important de connaitre les modalités, le budget prévisionnel et le calendrier du Gouvernement pour amener les fonctionnaires ayant peu (ou pas) de primes au même niveau que leurs collègues de la même catégorie hiérarchique.

De plus intégrer les primes dans l’assiette de cotisation nécessite que nous connaissions le coût que cela va représenter pour les employeurs publics en termes de compensation des cotisations. Pour FO Fonction publique, il serait inacceptable que les futures cotisations sur les primes entraînent une baisse du salaire net, et aillent même jusqu’à paupériser davantage des milliers d’agents de catégorie C qui sont à temps non complet, notamment dans le versant territorial.

Enfin, il existe de nombreuses indemnités dans la Fonction publique dont on ignore la prise en compte ou pas dans le système universel, comme par exemple la GIPA (Garantie Individuelle du Pouvoir d’Achat).

FO Fonction publique tient à rappeler que certains ministres se sont engagés à modifier les générations concernées par le système universel. Par exemple, dans les forces de sécurité comme la Police, il a été annoncé, par le ministre de tutelle, un système universel pour les générations nées à compter du 1 er janvier 1985. Ces annonces ne sont en rien concrétisées dans la Loi.

Pour FO Fonction publique, le sujet de l’assiette de cotisations nécessite un véritable débat pour assurer une égalité de traitement entre fonctionnaires de même catégorie. D’autant plus que, même en intégrant les primes, calculer les droits sur l’ensemble de la carrière fera baisser le niveau des pensions du plus grand nombre et particulièrement de ceux qui ont eu une progression importante de leur rémunération au fil du temps.

Cette baisse des pensions répond aux recommandations répétées de l’OCDE et de la commission européenne. L’objectif est de ramener les retraites obligatoires à un taux de remplacement maximal de 50%, afin de créer un espace pour les plans de retraites d’entreprise et l’épargne individuelle. L’examen de la loi PACTE et la lecture de l’article 65 du Projet de Loi d’un système universel des retraites le confirme.

2- La phase de transition.

15 ans de phase de transition soit 15 ans d’exercice budgétaire pour essayer de gommer les disparités entre les fonctionnaires (article 18).

FO Fonction publique affirme que personne n’a la capacité de s’engager sur 15 ans pour garantir une harmonisation des rémunérations dans la Fonction publique tout en voulant respecter les 3% de déficit public par rapport au PIB.

Personne ne peut s’engager à une sur-cotisation des employeurs publics pour éviter une baisse nette des salaires sur une telle durée.

L’exemple italien en est la parfaite démonstration. En 1995, deux ans après avoir cassé le statut des fonctionnaires en le remplaçant par des conventions collectives, le Gouvernement Dini engage un changement profond du système de retraites passant à des comptes notionnels et des cotisations définies. La phase de transition pour ce nouveau régime est alors annoncée sur 40 ans. Il sera remis en cause à peine 10 ans plus tard pour maintenir les dépenses publiques et répondre aux injonctions européennes.

En outre, nous n’oublions pas « l’indignation » du Ministre de l’Action et des Comptes Publics et du Secrétaire d’Etat à la Fonction publique à propos des engagements du gouvernement du quinquennat précédent qui leur avait laissé la mise en place du protocole sur les parcours professionnels, carrières et rémunérations des fonctionnaires.

Cette « indignation » provoquée par le fait que ce protocole basé sur 5 ans n’était pas financé, n’empêche pas aujourd’hui les mêmes hommes politiques d’hypothéquer sur 15 ans l’harmonisation des primes pour les fonctionnaires et la sur-cotisation des employeurs.

3 – La gouvernance des régimes de fonctionnaires.

L’article 53 de la Loi prévoit un organisme public en remplacement du SRE (Service des Retraites de l’Etat).

Si cela semble se résumer à ce stade aux fonctionnaires de l’Etat et magistrats, il est essentiel que soit précisé le maintien de la CNRACL qui régit les pensions des personnels de la fonction publique territoriale et hospitalière, le Fond spécial de pensions des ouvriers des établissements industriels (FSPOEIE) et l’Ircantec pour les contractuels de droit public.

Concernant la Fonction publique de l’Etat la disparition du SRE au profit d’une nouvelle entité pose la question de l’objectif de cet article. Est-ce la création d’une caisse de retraite pour les agents de l’Etat ?

Si cela était le cas, ce serait une erreur historique et FO Fonction publique y est bien entendu totalement opposée. Erreur historique au regard du code des pensions civiles et militaires.

En effet, les lois des 3 et 22 août 1790 ont posé le principe d’une reconnaissance du travail accompli au service de l’Etat. Les lois des 11 et 18 avril 1831 ont créé un véritable droit à la retraite. La loi du 9 juin 1853 a organisé le régime propre des fonctionnaires, plus de 50 ans avant les retraites « ouvrières et paysannes » .

Sans rentrer dans un cours d’histoire, nous citerons Maurice Hauriou, considéré comme un des pères du droit administratif français qui disait « le régime des pensions est le grand mobile qui détermine le fonctionnaire à s’attacher à l’administration pour toute sa carrière ».

Il est donc important de bien comprendre la distinction faite entre la retraite qui est une « situation » et la pension qui est une allocation pécuniaire dont le versement est conditionné à l’admission à la retraite.

Le Conseil d’Etat, plus récemment (07/01/2004) a confirmé cette analyse en indiquant que « les pensions de retraite constituent, pour les agents publics, une rémunération différée destinée à assurer des conditions de vie en rapport avec la dignité de leurs fonctions passées ».

Cela est de fait précisé par le Code des pensions civiles et militaires qui indique dans son article 1 er : « La pension est une allocation pécuniaire personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires civils et militaires et, après leur décès, à leurs ayants cause désignés par la loi, en rémunération des services qu’ils ont accomplis jusqu’à la cessation régulière de leurs fonctions. Le montant de la pension, qui tient compte du niveau, de la durée et de la nature des services accomplis, garantit en fin de carrière à son bénéficiaire des conditions matérielles d’existence en rapport avec la dignité de sa fonction. »

Comme le rappelle enfin, le ministère de la Fonction publique, le titre de pension est la matérialisation d’un titre de créance sur l’État détenu par le titulaire de la pension. Il atteste l’inscription au grand-livre de la Dette publique d’une pension attribuée conformément aux dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite, et mentionne notamment le numéro, la nature et le montant initial de cette pension, les services qu’elle rémunère et l’état civil de son titulaire.

Il est donc important d’avoir une vision statutaire, sociale et politique de ce que représente la pension des fonctionnaires. Un regard simplement budgétaire serait une faute.

Détricoter le lien indissociable avec le rôle de serviteur de l’Etat, donc avec le statut général des fonctionnaires, reviendrait à remettre en cause les fondements même du Service public.

Même si le Gouvernement porte malheureusement cette orientation, la récente Loi de transformation de la Fonction publique le prouve avec le recrutement sous contrat en opposition au statut, la question est bien plus large et porte sur les valeurs du statut général des fonctionnaires.

Être fonctionnaire et avoir la garantie d’une rémunération et d’une pension, c’est avant tout être protégé par des lois pour assurer l’égalité de traitement des usagers et plus largement de nos concitoyens. Le statut et tous ses corollaires, c’est la garantie des valeurs républicaines de Liberté, Egalité, Fraternité et Laïcité.

Engager les pensions des fonctionnaires dans une caisse de retraite qui casserait indéniablement le lien entre l’Etat et ses agents serait nier l’histoire de notre pays.

Pour FO fonction publique le choix est fait : pas de caisse de retraite pour la Fonction publique de l’Etat.

4 – La catégorie active

Ce dossier est celui qui comporte le plus de détails et de précisions dans la loi (articles 33, 36, 38) et aussi celui qui attaque de manière frontale le statut général des fonctionnaires et le code des pensions civiles et militaires (L24) qui a reconnu le « service » actif dès la loi du 20 septembre 1948.

C’est pourquoi, FO Fonction publique souhaite inscrire une intervention plus longue sur ce point, qui pour notre part est directement à la pénibilité au travail et ne peut se résumer à une simple problématique de départ anticipé.

Définition de la pénibilité – Service actif
Prévention

Le renforcement de la prévention de la pénibilité est une obligation légale de tout employeur :

Article L4121-1

Modifié par Ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017 – art. 2

L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

  1. Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
  2. Des actions d’information et de formation ;.
  3. La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Compensation et Réparation

FO Fonction publique refuse une prise en compte de la pénibilité limitée à la réparation de dommages physiques.

Pourquoi ? L’accident de travail et les maladies professionnelles ne sont pas les seuls marqueurs d’un travail pénible même s’ils doivent être indubitablement pris en compte notamment via les CHSCT.

C’est pourquoi seule la logique de la réparation ne nous convient pas.

Le taux d’incapacité permanente d’au moins 10% liée directement à l’exposition aux facteurs de risques professionnels est trop réduit.

Il ne tient pas compte des conséquences de l’exposition, de leur caractère durable et irréversible, de la diminution de l’espérance de vie sans incapacité, de la morbidité plus élevée et des atteintes à l’intégrité physique et psychologique.

Pour FO Fonction publique, la principale vertu du service actif c’est justement la compensation.

L’approche « non pathologique » reconnait des situations de travail usantes, traumatisantes que subissent les agents appartenant à des corps de fonctionnaires dont les missions sont pénibles.

AMELIORER ET ELARGIR LE SERVICE ACTIF…..une revendication moderne !

Depuis plus de 50 ans le service actif est la réponse aux contraintes physiques et psychologiques, aux environnements agressifs, aux contraintes liées au rythme de travail des fonctionnaires.

Pour FO Fonction publique, la reconnaissance de la pénibilité doit rester attachée à une définition collective basée sur les statuts de corps et reposer sur une base réglementaire (décrets, arrêtés).

I – Améliorer le service actif

La bonification est incontournable.

L’allongement de la durée d’assurance de 37,5 à 42 années a rendu quasiment impossible le départ en retraite anticipé avec le taux plein. Cela, même si la réforme de 2012 a changé les bornes :

  • Départ à 57 ans au lieu de 55 ans
  • 17 années de services actifs au lieu de 15 pour en ouvrir les droits

L’entrée sur le marché du travail se fait plus tardivement, 23 ans en moyenne (2007 – INSEE).
Le taux plein est atteint sans décote par :

  • 42 années d’assurance retraite
  • Un départ à l’âge limite du corps

La première situation : pour un début de carrière à 23 ans, cela mène à 65 ans.

La seconde : 62 ans est la limite des corps en service actif (sans exception) et suppose, pour avoir un taux plein, d’être entré à 20 ans.

Ce constat est édifiant. Le service actif ne permet plus, en l’état, un vrai départ anticipé avec un niveau de pensions acceptable.

C’est pourquoi FO Fonction publique revendique la mise en place d’une bonification d’une année par 5 années de services actifs dans un maximum de 5 ans.

Ce système existe déjà pour les personnels pénitentiaires, la police, les douanes, la navigation aérienne militaire, les sapeurs-pompiers professionnels.

Il est connu sous le nom de bonification du 1/5 ème

L’ouverture des droits demeure avancée de 5 ans : 57 ans au lieu de 62 ans avec les conséquences sur le taux plein. Chaque période de 5 années octroie : 1 année d’assurance supplémentaire et de temps de service, que la carrière s’achève ou non en service actif.

La bonification ainsi envisagée permet une meilleure prise en compte des travaux pénibles. L’obligation des 17 ans de service est assouplie.

II– L’engagement : une nécessité

Pour FO Fonction publique, défendre le service actif passe par sa modernisation dont son élargissement à toutes les catégories.

C’est pourquoi nous défendons l’idée de rattacher le service actif au statut de corps en fonction de la pénibilité des missions.

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